L'esprit et la lettre (1)

Publié le par pierre

Résumé de l'épisode précédent : tu es comme le vent qui fait danser les étoiles dans les dunes.

Une fois n'est pas coutume, je vais laisser de côté les trépanantes aventures de Brandon et Samantha.

Et parler de ma vraie vie réelle à moi, Pierre H.

Je mangeais l'autre jour avec Elisabeth II au R*tz place Ven*ôme à Par*s. (Je mets des étoiles par souci de discrétion pour le petit troquet où nous avons nos habitudes.)

La conversation roula d'abord sur des sujets d'ordre général comme le second principe de la thermodynamique et la jurisprudence en droit constitutionnel européen sous la Monarchie de Juillet. Ensuite Lili - car je ne l'appelle pas autrement - m'enseigna différentes façons de fabriquer des ersatz de coke avec du sucre glace et de la farine de boulanger, et même avec de la farine de sarrazin.

- Evidemment, ça ne fait aucun effet, précisa-t-elle avec sagacité, mais l'essentiel est d'avoir l'air de s'amuser, n'est-ce pas ?

Je constatai une fois de plus à quel point les monarchies héréditaires sont prodigues en esprits supérieurs à la moyenne.

Au moment où l'on apportait le potage, elle me demanda à quel endroit j'habitais en ce moment. On l'imagine aisément, je n'avais guère envie d'avouer que je venais d'abandonner les splendeurs de Barbès-Rochechouart pour un gourbi de deux pièces dans la zone, à Saint-Cloud. Adoncques Lili voulait savoir où habitais-je.

En guise de réponse je lui dis, sur un ton martial mais fort distingué :

- Dans ton c** !

A ces mots, son dentier (en porcelaine Wedgwood véritable) lui tomba des mâchoires et vint choir dans son assiette de potage où il se dissolvit instantanément.

Ainsi, on s'aperçut qu'au lieu de potage on nous avait servi à chacun trois louches d'acide sulfurique pur. Grâce à ma réponse rude mais que Lili avait bien méritée, vous en conviendrez avec moi, fut déjoué un lâche attentat contre nos deux personnes.

Si j'avais répondu "J'habite à Saint-Cloud, chère Madame", vous imaginez l'ensemble des cataclysmes qui se fussent produits... Rien que d'y penser j'ai des frissons dans l'orteil gauche.

Voilà pourquoi il ne faut pas toujours être poli.

En revanche, au milieu de centraliens se collant une grosse biture, j'aime à lancer des sujets brûlants comme la difficulté à recruter des domestiques stylés, ou les différentes marques de produits pour briquer l'argenterie.

Cette histoire est-elle vraie ? Vous le saurez peut-être en lisant le prochain épisode.

Publié dans Bonnes manières

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